Cet article sur l’écoconception est proposé par Romuald Priol, développeur web chez Peaks Lyon, expert en performance web et applicative, référent du Collectif Numérique Responsable et représentant de GreenIt.fr

Concevoir un service numérique n’est plus une chose complexe. Il est en effet devenu très facile de créer un site par le biais de CMS comme WordPress. Ces solutions permettent au plus grand nombre de concevoir des sites Web rapidement mais sans forcément tenir compte des conséquences liées à ce mode de développement.

Les impacts du numérique

Les conséquences d’une conception numérique sont multiples :

  • Les problèmes d’accessibilité, qui ne permettent pas aux personnes en situation de handicap, incluant les personnes sourdes et malentendantes d’avoir un accès à de nombreux services numériques.
  • Les problèmes éthiques, comme la récupération ou l’utilisation des données personnelles sans en avertir les utilisateurs.
  • Les problèmes de sécurité : de nouvelles failles sont découvertes tous les jours et de nombreux développeurs négligent la protection des données. Il est impératif de protéger son application, nos données et surtout celles de nos utilisateurs.

Les impacts environnementaux

La conséquence la moins connue, celle dont on commence à prendre conscience tout doucement, est celle qui se constate le moins : l’impact écologique du numérique.

Le problème avec cet impact, c’est qu’il est invisible. Lorsqu’on utilise un téléphone, on utilise un produit qui a été conçu, fabriqué, livré, et vendu : nous avons acheté (ou loué) un bien matériel qui épuise peu à peu certaines ressources et qui consomme différentes énergies pour arriver entre nos mains. C’est un produit visible qui nous fait penser à la fois aux ressources finies extraites de la planète pour sa conception mais aussi aux ressources que nous continuons d’épuiser pour nous alimenter en électricité essentielle à son fonctionnement.

Avec le Web, c’est beaucoup plus compliqué: nous ne pensons pas que l’utilisation d’une application pollue, puisque son utilisation est immatérielle :

  • Regarder un film sur Netflix ou une série via son décodeur TV connecté à votre Box internet.
  • Jouer en ligne sur sa console de jeux.
  • Utiliser la puissance du « cloud » pour sauvegarder ses vidéos, ses images, ses documents.
  • Poster des messages sur les réseaux sociaux.
  • Consulter ses e-mails.

Toutes les actions que nous réalisons par le biais d’un périphérique numérique ont un impact réel, plus ou moins important, que nous ne pouvons pas nous permettre de négliger.

GreenIt.fr a édité un rapport sur l’empreinte environnementale du numérique mondial, dont nous pouvons en observer différents chiffres issus d’indicateurs environnementaux permettant d’avoir une idée de l’impact du numérique :

Selon ce rapport, le numérique…

  • utilise 4.2% de l’énergie primaire consommée sur la planète
  • émet 3.8% des émissions totales de gaz à effet de serre
  • consomme 0.2% d’eau douce potable
  • consomme 5.6% de l’électricité produite dans le monde.
Empreinte environnementale du numérique mondial (https://greenit.fr 2019).

Les chiffres de ces impacts n’ont pas l’air « affolant » mais représentent des valeurs gigantesques :

  • 3.8% des émissions de gaz à effet de serre = 116 millions de tours du monde en voiture
  • 0.2% de la consommation d’eau = 3,6 milliards de douches

Il faut aussi mettre ces chiffres en perspectives par rapport à un autre, celui du nombre d’utilisateurs d’Internet :

Pourcentage des utilisateurs ayant accès à internet dans le monde (donnees.banquemondiale.org, 2017).

En 2019, près de 6% de la consommation électrique mondiale était dédiée au numérique, pour des émissions de gaz à effet de serre équivalentes à près de 4% des émissions globales (alors que la moitié de la population mondiale n’a pas encore accès à Internet).

N’oublions pas que les progrès technologiques nous ont permis de mieux connaître notre planète. Nous savons désormais que certaines de nos ressources (Antimoine, Etain, Nikel, Cobalt…) sont en quantité finies dans nos sols. Une fois que nous aurons tout extrait, il n’y en aura plus !

Schéma extrait du livre “La guerre des métaux rares” de Guillaume Pitron

Le numérique est un grand consommateur de ressources. Celles généralement utilisées par nos périphériques ne sont pas seulement rares, mais aussi très peu recyclables.

Le meilleur exemple reste celui des « terres rares » : malgré leur désignation, elles ne sont pas spécifiquement rares dans nos sols, mais sont recyclées à moins de 1% :

Cela est désastreux d’un point de vue environnemental.

Il existe des solutions

1. Allonger la durée de vie de nos appareils

La première est d’allonger la durée de vie de nos appareils, car le plus gros impact se trouve du côté des utilisateurs :

Le rôle des utilisateurs est bien plus important que celui du réseau et des centres informatiques, mais il faut prendre en considération que plus le périphérique utilisé est grand, plus il aura un impact négatif sur l’environnement : un smartphone d’une taille d’écran de 6” (15,2 cm) aura ainsi un impact plus faible qu’un ordinateur portable de 15” (38,1 cm) qui aura un impact plus faible qu’une télévision connectée de 85” (215,9 cm).

Ensuite, nous pourrions tous mieux utiliser le numérique, et surtout : mieux le concevoir ! Ce qui permettrait de bien moins impacter les réseaux et centres informatiques (et par conséquent de limiter l’utilisation des ressources nécessaires à ces infrastructures).

2. Mieux concevoir le numérique

Un service numérique peut être conçu par n’importe qui, de n’importe quelle façon, avec n’importe quel type d’architecture logicielle, et c’est une grande force du web : tout le monde peut participer à sa conception, apporter ces idées et faire évoluer les choses. C’est cependant aussi l’une de ses plus grandes faiblesses : tout le monde peut participer et accroitre les différentes problématiques ou les impacts du Web, sans même en être conscient.

Un service numérique et une application sont codés, et il y a mille et une façons de coder une même fonctionnalité. De la plus lente à la plus rapide, de la plus énergivore à la plus sobre. La Startup Nantaise Greenspector.com fournit un service permettant de mettre en évidence la consommation d’une application ou d’un site sur mobile :

Consommation d’énergie finale (en mAh) de navigateurs internet lors de la navigation sur différents sites.

Ce schéma, issus du rapport « Quels sont les meilleurs navigateurs web à utiliser en 2020 ? » illustre simplement la consommation d’énergie (en mAh) de la navigation sur différents sites internet par différents navigateurs sur un même appareil, ayant les mêmes spécificités en termes de matériel, de logiciel, et de connectivité (les mesures, pour être plus fiables, sont effectuées dans un contexte identique).

On peut rapidement observer que certains navigateurs (Opéra/Brave) sont bien plus efficients que d’autres (Firefox/Opéra Mini) alors qu’ils font exactement le même traitement : afficher une page Internet.

Cette analyse peut corréler directement avec les prévisions d’autonomie de la batterie par rapport au navigateur utilisé :

Projection d’autonomie d’applications mobiles (en nombre d’heures).

Il est donc possible, pour une batterie et un smartphone équivalent, de naviguer sur Internet deux fois plus longtemps en utilisant Opéra ou la version “preview” de Firefox, qu’en utilisant Firefox ou la version “mini” d’Opéra… On peut aussi voir cela différemment :

Pour une même utilisation, vous rechargerez deux fois moins votre batterie en utilisant un navigateur plus efficace. Et ce constat est valable pour chacune des applications que vous utilisez !

Ce que je cherche à montrer à travers cet exemple, c’est que même chez les gros éditeurs de logiciels, il existe de très fortes disparités au niveau de la conception logicielle. Imaginez donc celles qu’il peut y avoir entre les sites internet de personnes n’ayant pas ou peu de connaissances sur la qualité logicielle, la performance informatique ou l’éco-conception.

Eco-conception logicielle

En matière de conception logicielle, il existe une norme ISO sur laquelle nous baser lorsqu’on parle d’éco-conception numérique : l’ISO/TR 14062:2002. Cette norme décrit des concepts et pratiques actuelles ayant trait à l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produit. Il est intéressant de noter que cette norme a été pensée à la fois pour les biens matériels et les services.

La mise en place de l’éco-conception au sein d’un projet informatique possède de multiples avantages : elle permet non seulement de prendre en compte l’économie de ressources planétaires dans la création des services dès leurs phases de conception, mais elle permet aussi d’obtenir des performances accrues qui découlent directement des règles appliquées (en apportant par la même un confort d’utilisation accru).

Comment éco-concevoir une application ?

Avant de parler d’éco-conception, il faut comprendre ce qu’il est possible d’éco-concevoir. Un site internet ne peut être éco-conçu que si l’ensemble de ces métiers le sont. Parler d’éco-concevoir un logiciel ou une application sans cette prise en compte est incohérent ! Dans tous les cas, l’important est d’agir avec sobriété.

Un besoin éco-conçu n’est pas forcément un besoin comblé avec une plateforme informatique ! Une personne voulant un site internet pour attirer des clients proches de chez elle n’en a peut-être pas forcément l’utilité. Tout dépend de son métier et de ses objectifs. Dans certains cas, un simple tract publicitaire distribué dans des boites aux lettres peut suffire à attirer plus de clients !

Dans le cas où l’utilité du service numérique est actée, que nous savons que le besoin à combler aura un meilleur impact avec le numérique que sans, nous pouvons commencer par analyser les différentes fonctionnalités du site internet.

Un site marchand n’a par exemple pas forcément besoin de posséder un espace de connexion, surtout pour la première commande d’un client. Forcer ses utilisateurs à s’inscrire sur son site augmente le nombre d’étapes qui les mène à l’accomplissement de la transaction. Là aussi, tout dépend du besoin. Le propriétaire du site a besoin de vendre un produit, il n’a pas forcément besoin de gérer des centaines de données utilisateurs qui ne lui serviront à rien et qu’il devra stocker de façon sécurisée pour rien. La simplification des étapes de vente peut être bénéfique à l’utilisateur et au client.

Le cas des pages de contact : pourquoi avoir à gérer un formulaire entier alors que dans la majorité des cas, une simple balise <a href=’mailto :mail@domain.tld’ >< /a> est suffisante ? Pourquoi afficher un plugin de cartographie qui ralenti drastiquement le speedIndex de ses pages alors qu’une simple image chargée dynamiquement avec un lien redirigeant vers le site de cartographie est suffisante ?

Nous avons la mauvaise habitude de rendre les choses trop compliquées ; cette complexité dégrade la qualité logicielle de nos applications, de nos sites, et augmente le nombre de lignes de codes que l’on doit gérer : on passe plus de temps à maintenir des fonctionnalités, à les mettre à jour, à faire des évolutions, qu’à réellement prendre part à la finalisation d’un besoin utile.

Une fois la liste des fonctionnalités clairement identifiées, qu’un designer est passé par là pour gérer l’UX en prenant en compte un parcours utilisateur simple et accessible, dépourvu de “Dark Pattern” et de défilement infini, nous pouvons choisir l’hébergeur qui va accueillir notre site !

Choisir un hébergeur écologique

Il existe toutes sortes d’hébergeurs, mais rares sont ceux qui mettent en avant le respect des problématiques écologiques et sociales. C’est en général pour les points suivants que je conseille Infomaniak :

  • l’énergie consommée par cet hébergeur est labellisée « TUV SUD EE01 » et « Naturemade Star », ce qui certifie que l’énergie utilisée par leurs centres de données est à 100% d’origine renouvelable ;
  • il n’y a pas de surconsommation électrique vu que tout est refroidi avec de l’air extérieur. Ce ne sont pas de gros climatiseurs qui font le boulot ;
  • ils favorisent des achats locaux et responsables (peu de produits viennent de l’autre bout du monde)
  • ils compensent à 200% leurs émissions de Gaz à effet de serre (même si on est d’accord sur le fait que la compensation est la « moins pire » des solutions; si on ne produisait pas de C02, on n’aurait pas à le compenser) ;
  • ils prolongent la durée de vie de leurs serveurs pour réduire la quantité de CO2 émis durant leur durée de vie. Les serveurs sont utilisés pendant une période minimum de 5 ans.

Il est encourageant de voir qu’une entreprise aussi grande peut réellement faire des choses dans le bon sens, en respectant, du mieux qu’elle peut notre planète.

Architecture & choix du code

Nous allons aussi penser à l’architecture que nous devrons mettre en place : allons-nous devoir prendre en charge un flux de données important qui nous dirigerait vers un site dynamique ? Est-ce que les données affichées ne servent qu’à présenter un profil simple, une entreprise avec peu d’informations, mais pertinentes, qui pourrait être entièrement généré avec un site statique qui empêcherait d’avoir à maintenir un espace de connexion, une base de données et tous les soucis de sécurité qui vont avec ? Ce dernier choix va nous être d’une aide précieuse pour savoir si nous allons partir sur un CMS comme WordPress, un Framework, ou un code “from scratch”.

Cette étape est également décisive pour choisir le langage informatique à utiliser. Il est possible de générer du code HTML d’une multitude de façons différentes par le biais d’une variété très large de langage informatique. Mais là aussi, il faut prendre plusieurs paramètres en compte : la connaissance de ses équipes et l’énergie utilisée par votre langage pour générer votre code HTML.

Tous les langages informatiques ne se valent pas. Il y en a déjà qui sont plus simples à appréhender que d’autres, ils peuvent aussi être plus connus, et vous trouverez plus facilement de la documentation et de solutions aux potentiels problèmes que votre équipe risque de rencontrer.  Les langages informatiques ont aussi des différences au niveau des ressources consommées lors de leur exécution, ils utilisent plus ou moins de RAM (de mémoire vive) et  de CPU pour fonctionner.

Une étude permet de comprendre les différences de performance des langages informatiques les uns par rapport aux autres. On peut observer que certains langages « récents » comme le GO ou le RUST sont bien positionnés dans tous les critères (énergie utilisée, temps d’exécution, et mémoire utilisée). C’est positif de voir que de nouveaux langages informatiques peuvent être plus performants que ceux que nous avons l’habitude d’utiliser au quotidien.

Il est important de prendre en compte la génération du code côté serveur (le code qui génère des données dynamiquement). Mais il ne faut pas perdre de vue qu’en général, le plus gros impact que vous pouvez atténuer est côté client, vu qu’une politique de mise en cache côté serveur permet de réduire drastiquement la génération du code. C’est le client qui téléchargera les données, effectuera des centaines de requêtes, et sera forcé de mettre à jour son navigateur ou même son ordinateur si jamais il sent que tout devient plus « lent », vu que vous n’avez pas rendu votre application assez performante en pensant aux plus anciennes contraintes matérielles.

N’oublions pas que nous sommes à une époque où nous ne changeons pas de téléphones quand ils ne fonctionnent plus, mais quand ils rament !

Les applications, tout comme les sites internet, sont de plus en plus lourdes, demandent de plus en plus de capacités aux différents périphériques utilisateurs. Cela a pour effet direct de devoir les changer bien plus souvent pour profiter d’applications et de mises à jour de plus en plus gourmandes en CPU, en RAM, en espace de stockage, et en énergie : c’est cela que l’on appelle l’obésiciel.

Pour combler le même besoin, il nous faut consommer bien plus de ressources et d’énergie aujourd’hui qu’il y a 10 ans en arrière ! Pour créer un même texte sur Word, effectuer une même action sous Excel, ou créer un même mail avec Outlook, il faut 114 fois plus de RAM avec un couple Windows 8 / Office 2013 qu’avec Windows 98 et Office 97. (Le livre “Sobriété Numérique” de Frédéric Bordage, éditions “La verte” 2019, explique très bien tout cela en cas d’intérêt 😉)

On peut enfin se mettre à coder ! Mais pas n’importe comment, comme toujours : avec sobriété et efficacité. Il est évident, quelque soit le code que vous allez générer qu’il ne faut pas réinventer la roue. C’est une phrase que l’on entend souvent dans le monde du développement. Lorsqu’un morceau de code, un bundle, un module existe déjà, autant l’utiliser : c’est vrai, et en l’utilisant, on peut même contribuer à son amélioration !

Néanmoins, il y a beaucoup de cas où l’on voit des utilisations extrêmes de cette méthodologie de réutilisation des composants : ceux où l’on télécharge la totalité d’un garage pour réutiliser une seule roue. Il faut faire attention avec les dépendances que l’on utilise. Réduire sa dépendance aux modules externes est une bonne astuce au niveau éco-conceptuel, mais aussi au niveau de la qualité logicielle : il n’est pas forcément évident de maintenir des bouts de code que l’on connait, c’est encore plus difficile quand ce sont des bouts de code que l’on ne connait pas ; qui peuvent évoluer à un rythme différent du vôtre.

Il est aussi important de faire attention aux versions cibles de nos Frameworks en pensant à garder la plus grande compatibilité possible avec les anciens périphériques. Cibler des versions plus récentes nous offre des fonctionnalités qui ne sont pas forcément utiles au code que nous allons produire, et casse le support de notre application avec d’anciennes versions d’OS mobiles, tablettes ou PC. Dans le cas ou votre application arrive avec une nouvelle fonctionnalité qui aurait pu fonctionner sur d’anciens supports, vous allez malgré vous forcer vos utilisateurs à changer de périphérique pour suivre vos propres évolutions, ou, au mieux (écologiquement parlant) à vous abandonner.

Bonnes pratiques

Ensuite, il ne vous reste qu’à coder votre service en respectant un maximum de bonnes pratiques éco-conceptuelles que vous pouvez retrouver dans le guide des 115 bonnes pratiques de l’éco-conception web de Frédéric Bordage.

Voici quelques exemples de bonnes pratiques :

  • Eliminer les fonctionnalités non essentielles ;
  • Préférer la saisie assistée à l’auto-complétions ;
  • Limiter le nombre de requêtes HTTP ;
  • Choisir un format de données adapté ;
  • Découper les CSS ;
  • Favoriser les polices standards ;
  • Eviter les animations Javascript/CSS coûteuses ;
  • Ne se connecter à une base de données que si c’est nécessaire ;
  • Choisir un hébergeur vert comme Infomaniak ;
  • Mettre en place un plan de fin de vie.

Nous devons éco-concevoir les besoins comblés par nos logiciels et nos services numériques en évitant évidemment de faire du « greenwashing Numérique ». Le guide des 115 bonnes pratiques de l’éco-conception est une excellente base d’informations permettant de mettre en place une stratégie de conception plus responsable au sein de votre service IT. L’ensemble des règles permettent d’alléger ses pages, de rendre le Web plus sobre, plus rapide et plus accessible !

Il faut bien comprendre qu’il faut respecter un maximum de règles pour prétendre éco-concevoir un site internet. On voit de nombreux sites se prétendant low-tech et/ou éco-conçu, en ne respectant que quelques règles d’éco-conception, en n’ayant pas suffisamment étudié le ou les besoins utilisateurs et en n’ayant pas analysé (en amont si possible) les impacts de leur service d’après plusieurs critères (consommation d’eau, d’énergie, de ressources, émissions de GES…) . Le résultat est mitigé : peut-être que les ressources du site sont minifiées, peut-être que les images sont compressées, peut-être même que les pages sont statiques et suffisamment rapides, mais si l’architecture derrière est surdimensionnée, qu’une multitude de scripts déférés chargent une dizaine de third-parts qui ralentissent le site dans sa globalité, qu’ils augmentent la quantité de RAM et de CPU qu’utilise le navigateur Internet de votre client, ce n’est ce que l’on peut appeler un site « éco-conçu », mais un site ayant suivi quelques règles de performance Web.

Outils d’analyse de performance

Il existe des outils d’analyse qui permettent d’analyser les performances de ses services. Ces outils existent côté back (avec l’excellent BlackFire  pour analyser ses applications PHP et python), côté applicatif (avec les logiciels ReSharper, DotTrace pour les applications C, C++ ou C#) et côté front avec les outils d’analyse statique qui existent (Dareboost, Gtmetrix ou encore Web.dev). Ces outils sont puissants et permettent, une fois que son site ou son application est disponible, de pouvoir analyser la performance et d’obtenir bon nombre de recommandations pour améliorer la performance de son service.

Rapport d’analyse d’un site via Dareboost.com

La performance est (en général) bénéfique au web. Un des intérêts de l’éco-conception, c’est qu’il rend naturellement les applications performantes ! N’oublions pas que la réciproque est fausse : une application performante n’est pas forcément éco-conçue.

Prenons un exemple simple : la mise en place de scripts Javascript de son site en différé. Lorsque l’on a beaucoup de Javascript, que l’on a l’habitude d’en utiliser pour tout et n’importe quoi, on a généralement des problèmes de performances. Trop de javascript, c’est trop de requêtes à effectuer pour aller le récupérer, trop de temps de chargement des fichiers, trop de contenu à faire lire et à exécuter par le navigateur. Dans le cas où il n’y a pas de Javascript bloquant le rendu de la page (ce qui est idéal :D) on peut décider de déférer la prise en compte de ces scripts par le navigateur avec l’attribut “defer”. Les scripts seront alors exécutés en dernier, les uns après les autres, et la page s’affichera bien plus rapidement. On aura donc gagné en performance, on aura surement un meilleur SEO vu que le SpeedIndex va baisser et que rendu de la page va être bien plus rapide.

Cependant, sur le site, rien n’a changé ! Il est certes plus performant, mais télécharge toujours autant de ressources qui :

  • ne comblent peut-être pas le besoin initial ;
  • sont peut-être trop lourdes ;
  • sont encore le fruit de développeurs ayant quitté le projet, permettant d’effectuer des actions aujourd’hui inutilisées.

Dans ce cas-là, le site est réellement devenu plus performant, mais il n’est pas éco-conçu pour autant !

Outils d’analyse d’éco-conception

Pour monitorer plus précisément les indicateurs d’éco-conception, des associations ont créés des outils permettant d’estimer l’empreinte de nos services numériques :

Le collectif Numérique Responsable, de greenit.fr a conçu le site ecoindex.fr :

Empreinte environnementale testée sur le site ecoindex.fr

EcoIndex calcule l’empreinte environnementale en fonction du niveau d’éco-conception du site. Le calcul est fait à partir d’un impact moyen en termes d’émission de gaz à effet de serre et de consommation d’eau douce. Cette valeur moyenne est nuancée en fonction du niveau d’éco-conception. C’est une approche simple qui permet de donner un ordre de grandeur réaliste.

À noter que des extensions sont disponibles sur les navigateurs Chrome et Firefox pour monitorer des sessions de navigation sur ses pages Internet. Cela permet d’estimer l’empreinte et le niveau de maturité éco-conceptuelle pour un parcours utilisateur complet.

Récapitulatif de l’extension Firefox EcoIndex sur un site Internet.

Le collectif de GreenIt.fr et certains de leurs partenaires sont également les créateurs du site Ecometer.org, un service qui permet d’identifier le nombre de bonnes pratiques mises en place (ou non) d’un service numérique via son URL :  le site liste les points qui doivent encore être mis en œuvre pour réduire l’empreinte environnementale de la page ou du service web analysé.

Petite partie des bonnes pratiques respectées via une analyse de Ecometer.org

Les “shifters” de l’association The Shift Project ont également conçu un outil permettant d’estimer l’empreinte de son site internet, Carbonalyser, utilisable par le biais d’une extension sur le navigateur Firefox. La méthode du shift dépend des recherches qu’ils ont effectuées via leur programme ‘1byte model’ qui convertit la donnée transmise au navigateur en équivalent électricité (kWh), qui elle-même est convertie en équivalant C02. C’est une méthode qui peut avoir ses défaut (vu que l’électricité n’a pas le même impact d’un secteur géographique à l’autre), mais l’application donne un bon aperçu de l’impact que nous pouvons avoir en naviguant sur Internet.

Interface de l’extension Firefox “Carbonalyser” conçue par The Shift Project.

Ces différents outils permettent de se rendre compte de l’impact réel de ses pages web en mesurant des indicateurs liés à l’environnement. C’est tout le but de la démarche : nous permettre de concevoir des applications plus sobres, plus fonctionnelles, en respectant au maximum les ressources planétaires pour profiter du numérique le plus longtemps possible.

Conclusion

Le numérique reste un outil encore jeune qui évolue constamment depuis 30 ans. Il nous aide constamment dans de nombreux domaines, nous rapproche les uns des autres, nous simplifie les tâches, nous libère du temps. Il nous permet de mieux comprendre nos interactions les uns avec les autres, avec la biodiversité, de mieux appréhender les impacts que nous avons sur la planète !

Cette jeunesse lui fait cependant aussi défaut : il faut que nous apprenions à mieux le maîtriser, à l’utiliser à bon escient, peut-être plus sobrement, pour le bien de l’humanité et de notre planète ! Il est important d’utiliser et de concevoir le numérique avec sobriété !

N’oublions pas qu’il ne tient qu’à nous de réduire plus efficacement notre impact sur la planète en changeant des habitudes qui ont un impact encore plus important (réduire l’utilisation de sa voiture, éviter l’avion, adopter un régime végétarien, passer au « zéro-déchets », consommer local, etc… 😉).

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